Heureusement que j’ai écrit un livre cette année, parce que sinon je serais jalouse.
Oui, parce que mes amis écrivent.
Et que mes amis écrivent bien.
Ils me font rire, pleurer, réfléchir. Chacun à sa manière.

Lionel Abbo, je le connais depuis toujours. En tous cas j’ai cette impression. Et depuis toujours, je sais qu’il est fait pour ça. Il a les idées, la motivation, le talent. Et ce ne sont ni ses 3 enfants et ni son métier de créateur d’émissions de télévision qui pourraient l’en empêcher. Au contraire. Il se sert de ça, de tout ça. De ce qu’il vit, de qu’il ne vit pas, de ce qu’il imagine, de ce qu’il a au fond de sa boîte crânienne.
Son roman est une fiction réaliste. Précurseuse de surcroît. Il raconte tout haut ce que l’on rêve tout bas. Choisir sa mort. Choisir de vivre sa vie comme on l’entend jusqu’au bout, puisque l’on en connaîtrait l’échéance. Choisir de choisir tout court.
Ce livre se laisse dévorer, mais ne disparaît pas pour autant au point final. Non, on le dévore, mais on en garde la poésie, l’intelligence, les punchlines, et la philosophie acerbe, parfaitement maîtrisée de l’auteur. « Pour que le jour de votre mort soit le plus beau jour de votre vie », pourrait être un sujet du bac philo. C’est un sujet tout court.

Pour que le jour de votre mort soit le plus beau de votre vie – Lionel Abbo

Sophie Ruellé, elle, c’est son quotidien d’infirmière qu’elle nous offre. Un quotidien plein d’autodérision. Mais ça ne l’empêche pas de dénoncer les injustices auxquelles elle fait face, tous les jours, sans sourciller.
Ce livre, j’en ai même écrit la préface tant il me tenait à cœur qu’elle l’écrive. Tant notre rencontre appartient au destin.
La voici.

Quand on s’apprête à vivre le plus beau jour de sa vie, chaque détail compte. Chaque mot, chaque geste, chaque personne qui nous approche.
Sophie est entrée dans la pièce, le lendemain de ma césarienne. Elle devait m’équiper de bas de contentions, (pour éviter les phlébites, associées aux piqures d’anti-coagulant. C’est elle qui me l’a dit, hein), passer des anti-douleurs (les plus puissants, parce que moi je suis une « patiente douillette » il paraît), faire les premiers soins de mon fils, Solal, tout en m’assurant que c’était le plus beau de tous les enfants de la maternité, évidemment.
C’est sa douceur qui m’a frappée au premier abord.
Mais très vite, j’ai eu l’impression de la connaître depuis toujours. Elle savait exactement ce qu’il se passait dans mon corps, mais aussi dans ma tête.
Elle me rassurait.
Sophie portait bien son nom. Elle était la sagesse incarnée.
Elle avait beau avoir dix années de moins, elle semblait avoir eu mille vies de plus. Et ce n’était peut-être pas faux. Son passé, mais surtout son métier l’avait blindée. Elle avait appris sur le tôt, et sur le tas. Elle avait connu la souffrance de près, la douleur, mais aussi la joie profonde des femmes qui enfantent. Ses patients avaient été, à tour de rôle, des personnes âgées, des enfants, des femmes enceintes en difficulté. Elle avait connu la mort, et les naissances.
Elle savait que la vie ne tenait à rien, mais qu’elle était là pour la maintenir la plupart du temps. Elle savait qu’il fallait faire plus qu’essayer, qu’il fallait réussir. Être à la hauteur de ce qu’il se passait dans la seconde où cela se produisait.
Elle a croisé ma route, au moment crucial de ma vie, et elle deviendra mon amie, ma confidente, mon infirmière. Celle qui sait faire les premiers gestes de secours. Celle qui peut se plier en quatre pour que la douleur passe. Celle qui sait rassurer, surveiller, faire en sorte que ça aille.
Je ne sais pas si elle était faite pour être infirmière, mais ce métier doit être « fait » par des gens comme Sophie. Des personnes empathiques, fortes, douces, des fonceuses réfléchies qui n’hésitent jamais, ou ne le montrent peut-être pas.
Sophie est tout ça à la fois. Elle fait tout ça à la fois.
On ne peut pas exercer cette profession autrement il me semble.
Ce n’est pas le métier qui fait acquérir ces qualités. Il faut les posséder bien avant d’envisager de « soigner » les autres. J’ai côtoyé de près une infirmière, je sais ce que je dis… Son quotidien, est devenu un peu le mien.
Je sais l’abnégation, la volonté, la flemme, la fierté, la gratitude, la fatigue.
Je connais le « je vais me coucher, je bosse demain » du dimanche soir 19h, le « une douche et au lit » après les 12h en blouse blanche. Je sais qu’elle doit toujours repasser chez elle après le travail, parce qu’elle a besoin de se débarrasser de « l’odeur de l’hôpital », bien connue de tous. Je sais aussi qu’elle a de la chance de savoir faire quelque chose d’utile de ses mains. De son cœur, de ses mots. Elle a de la chance de pouvoir apaiser, « prendre la douleur ».
Je me dis parfois qu’on fait un peu le même métier finalement. A la différence près que le mien part d’un but purement égoïste pour miraculeusement venir en aide aux autres quelquefois..
Et cette différence fait toute la différence.

Coup de blouse à l’hosto ! – Sophie Ruellé

Je suis fière de vous, mes amis, écrivains.
Et je sais que vous me donnerez encore beaucoup d’occasions de l’être.

2 Comments

  1. ALAIN ROUMEGOUX Reply

    Déjà dévoré celui de Sophie, j’attends le Kérosène avec impatience 🙂

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